Bonjour.

Bienvenue dans la série 5 des Carnets MNT, qui répertorie les expériences vécues par les personnes vivant avec des MNT à travers le monde. Je m’appelle Christopher Agbega et je suis originaire du Ghana, en Afrique de l’Ouest. Je vis avec une neuropathie motrice sensorielle héréditaire, dont j’ai découvert plus tard qu’elle était responsable de mes lésions nerveuses et de l’atrophie de mes muscles. Cela fait seize ans que je vis et gère cette maladie héritée de mon père. Dans cet épisode, je raconte l’histoire de mon parcours avec les MNT et les situations auxquelles j’ai été confronté dans le système de santé ghanéen concernant l’accès équitable aux services de lutte contre les MNT, qui vont d’une couverture d’assurance inadéquate à l’indifférence à l’égard des soins palliatifs dont j’ai besoin pour assumer pleinement ma nouvelle réalité. J’évoque aussi les circonstances socio-économiques qui m’ont empêché, et qui m’empêchent encore, d’accéder à des services essentiels, depuis mon diagnostic jusqu’à la prise en charge de ma maladie.

Avant 2007, j’étais un vrai boute-en-train avec beaucoup d’amis et une énergie incroyable pour toutes les activités scolaires et parascolaires, aussi bien à la maison qu’à l’école. Un jour de semaine, je me suis réveillé plein d’entrain comme d’habitude et me suis vite préparé pour l’école ; j’avais alors 16 ans et j’étais en deuxième année au lycée St. Thomas d’Aquin d’Accra, au Ghana. Alors que je marchais vers l’école ce jour fatidique, j’ai soudain senti que mes forces m’abandonnaient, et à chaque minute qui passait, je transpirais abondamment. Malgré tout, je me suis péniblement rendu jusqu’à l’arrêt de bus, puis à l’école. À ce moment-là, j’ai commencé à ressentir une faiblesse générale de mon corps et des douleurs aux jambes et aux pieds. Je n’avais aucune idée de l’état dont je souffrais. Ma famille et moi luttions contre une maladie inconnue avec l’espoir silencieux que mon état ne soit que temporaire. La manifestation physique de mes symptômes a suscité de la stigmatisation de la part de mes proches, à la maison et à l’école. Même si c’était difficile à gérer, j’ai développé une grande force mentale pour détourner le regard de leurs comportements et commentaires désobligeants.

Ce fut une période très sombre pour moi et aussi pour mon père parce que nous vivions ensemble pendant mes études secondaires. J’ai vu mon père, autrefois heureux et énergique, entrer dans une profonde dépression, et il m’a été difficile d’accepter ce qu’il traversait et ce que j’avais commencé à gérer sur le plan de la santé. Nous n’avions aucune source de revenus, alors il y avait des jours où nous allions nous coucher le ventre quasiment vide, et je devais parfois rester à la maison parce que je n’avais pas les moyens d’aller à l’école. Finalement, nous avons dû nous séparer en 2009, juste au moment où j’avais miraculeusement terminé l’école. C’était à cause du loyer. C’était moins cher pour lui de retourner au village et j’ai emménagé avec ma mère et commencé à réfléchir à ce que j’allais faire de ma vie.

Entre l’apparition de mes premiers symptômes en 2007 et la fin de mes études secondaires en 2009, je me suis rendu à l’hôpital général d’Accra en espérant recevoir rapidement un diagnostic. Ce n’était pas facile, car c’était une époque où j’allais à l’école et j’essayais de rester concentré sur mes études tout en faisant face aux symptômes et au manque d’argent pour satisfaire mes besoins les plus élémentaires. C’est devenu un problème car nous n’avions pas les moyens de payer les analyses et les scanners prescrits par le médecin à l’hôpital et, malheureusement, je connaissais très mal le système national d’assurance maladie à l’époque. Ce qui était encore plus frustrant, c’était le manque de patience du médecin que j’ai rencontré, qui n’a rien compris quand je lui ai expliqué ce que je vivais, et qui m’a prescrit des examens généraux et des scanners avant de faire signe à l’infirmière pour que je quitte la salle de consultation pour laisser la place au prochain patient. Finalement, cela a donné peu de résultats, car je n’arrivais pas à gérer les rendez-vous à l’hôpital avec très peu de soutien de la part de ma mère, et l’école en prime.

Je n’avais aucune idée de l’état dont je souffrais. Ma famille et moi luttions contre une maladie inconnue avec l’espoir silencieux que mon état ne soit que temporaire. Les années après la fin de mes études en 2009 ont été remplies d’incertitudes car je ne savais pas quoi faire de ma vie ni dans quel cap prendre. Voir mes amis partager des images de leur vie à l’université pendant que j’allais d’un hôpital à l’autre et d’un camp de prière à l’autre, m’a causé des troubles émotionnels et une perte d’estime de moi. J’ai essayé de faire quelque chose, et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à apprendre à jouer du clavier et du piano à l’église, ce qui a marqué le véritable début de mon parcours musical. C’est aussi pendant cette période que j’ai repris mon parcours médical après ce qui s’était passé entre 2007 et 2009. Je me suis inscrit au régime d’assurance maladie du Ghana dans l’espoir que mes frais médicaux soient pris en charge par l’État.

Nous étions alors en 2011/2012. Après m’être rendu à la clinique multi-spécialités de Mamprobi où j’ai été reçu par un médecin assistant, j’ai été transféré au service d’orthopédie de l’hôpital universitaire de Korle-Bu. J’allais bientôt découvrir la dure réalité : le médecin assistant avait fait plein d’erreurs et n’était pas clair dans sa lettre de renvoi quant aux éléments de mon diagnostic, ce qui a mis en colère le médecin qui m’a reçu au service d’orthopédie. J’allais ensuite rapidement découvrir que ce que je vivais n’avait rien à voir avec les os, après avoir effectué un certain nombre d’examens payées de ma poche parce que, comme les systèmes de scanner de l’hôpital ne fonctionnaient pas, j’avais dû recourir à des laboratoires privés qui n’étaient pas couverts par le NHIS. Après cette longue épreuve, j’ai finalement été renvoyé vers le service de médecine polyvalente, où j’aurais dû être envoyé bien avant. Malheureusement, je me suis heurté à un obstacle dès le départ dans ce service de médecine polyvalente. On m’a dit que j’avais besoin d’une IRM et renseignements pris, il était clair que je n’avais pas les moyens de payer cet examen et que le NHIS n’en couvrait pas le coût.

Les évaluations initiales des soins de santé primaires immédiats recommandaient une IRM diagnostique pour comprendre de quoi j’étais atteint. N’oublions pas qu’un centre médical typique au Ghana, chargé de fournir des soins de santé primaires au niveau local, offre généralement peu de services de diagnostic en raison du manque d’équipements et de spécialistes. Chaque demande de diagnostic est renvoyée vers l’hôpital de district ou régional le plus proche. Ma situation ne faisait pas exception à la règle : je devais me rendre à mes frais à l’hôpital le plus proche et les services pour le diagnostic prescrit étaient limités. J’ai vu mes muscles se détériorer chaque jour pendant les neuf années suivantes tout en essayant tous les médicaments abordables pour soulager ma douleur et ma faiblesse.

Nous voici maintenant en 2015, année où j’ai commencé mon premier boulot, de 9h à 17h pour une station de radio en ligne, « XLive Africa Radio », en tant qu’animateur de la matinale. Grâce à cette opportunité, j’ai lentement mais progressivement repris confiance en moi et gagné en optimisme. Je pouvais enfin sortir de ma coquille et faire quelque chose qui m’empêchait de m’autodénigrer.

En 2016, coup de théâtre : j’ai attiré l’attention d’un ami proche du propriétaire de la station de radio, et il a décidé de m’aider à obtenir le diagnostic tant désiré. Je l’appellerai M. C. Une semaine après notre première conversation, il m’a appelé pour m’informer qu’il avait pris rendez-vous pour moi avec l’un de ses amis, médecin, pour m’aider à poser un diagnostic. J’étais loin de me douter que cet ami médecin possédait (et possède toujours) l’un des hôpitaux privés les plus connus du pays. Le jour du rendez-vous prévu est enfin arrivé, et a marqué le début de ce que j’appellerai « la période de répit » puisque j’ai enfin eu accès à des soins de santé de qualité sans frais. Après une série de tests réalisés sur une période de quelques mois, entièrement financés directement par M. C. et le propriétaire de l’hôpital, on m’a diagnostiqué une neuropathie motrice sensorielle héréditaire. Après mon diagnostic médical en 2016, j’ai dû accepter ma nouvelle situation, à savoir que je vivrais à jamais avec une MNT. Ma vie a changé à bien des égards, car je dois chaque jour faire un choix entre poursuivre mes rêves d’études et de créativité et investir dans la gestion sans fin de ma maladie avec des médicaments et des thérapies coûteux.

La prise en charge de la neuropathie motrice sensorielle héréditaire au Ghana coûte cher : après mon diagnostic, j’ai reçu une longue liste de médicaments, de thérapies, de repas et de choses à faire. Et à mon grand étonnement, j’ai découvert que le régime national d’assurance maladie ne couvrait pas mes besoins : je dois tout payer de ma poche. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas été enthousiaste à l’idée de souscrire une nouvelle assurance maladie, car elle couvre relativement peu mes besoins en matière de santé. En réalisant que je devais couvrir toutes ces dépenses de ma poche, surtout dans mon état qui implique des difficultés à me déplacer, je n’avais quasiment plus aucun espoir. En moyenne, je dépense au moins 100$US par mois rien que pour mes médicaments, dont le prix change en permanence en raison de l’inflation. Le coût de mes repas thérapeutiques spécialisés et mes problèmes de mobilité compliqués accentuent encore l’inconfort associé à mon état. Malheureusement, en raison des difficultés économiques du Ghana, je n’ai parfois pas les moyens de payer mon traitement. Soit je fais appel à mes amis et à ma famille pour qu’ils m’aident financièrement, soit je dois me passer de mes médicaments.

Je ne saurais trop insister sur le fait que les inégalités au sein du système de santé ghanéen ont contribué à retarder mon diagnostic et que les paiements directs quotidiens sont un obstacle à mon bien-être général. Mon cas est l’exemple de quelqu’un qui n’avait aucune connaissance de son état. Je suis un exemple de diagnostic tardif. Je représente les nombreuses personnes et familles qui font des compromis chaque jour pour assurer leur sécurité ou celle de leurs proches en vivant avec une MNT.

C’est tout pour l’instant ; à bientôt pour un prochain épisode des Carnets MNT !

 

Cette transcription fait partie du carnet de Christopher Agbega, Rêves lointains - Salles d’hôpital vides, série 5 des Carnets MNT.

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